Couvent San Marco et fresques de Fra Angelico

L'Annonciation du couvent San Marco est une fresque peinte par Fra Angelico aux environs de 1440.
Elle est située en haut du grand escalier donnant sur les cellules des moines et mesure 230m×312m
Le couvent actuel se dresse sur un site occupé depuis le XIIe siècle par un monastère vallombrosien qui passa ensuite aux Silvestrins ; ceux-ci furent chassés de San Marco en 1418, et en 1438 le couvent fut donné aux Dominicains observants. En 1437, Cosme l’Ancien de Médicis décida de reconstruire l'ensemble du complexe, sur proposition du vicaire général Antonino Pierozzi. Les travaux furent confiés à Michelozzo, et la décoration des murs fut réalisée entre 1439 et 1444 par Giovanni de Fiesole, dit Fra Angelico, et ses assistants, parmi lesquels Benozzo Gozzoli. L'église fut consacrée en 1443 en présence du pape Eugène IV. La structure du XIVe siècle fut modifiée par Michelozzo ; d'autres modifications furent apportées à la fin du XVIe siècle par Giambologna (Jean de Bologne), et en 1678 par Pier Francesco Silvani. À l'intérieur, la nef sans bas-côtés présente un plafond sculpté et doré.
Les autels latéraux, conçus par Giambologna en 1580, présentent des retables des XVIe et XVIIe siècles : les plus intéressants sont la Vierge et les saints de Fra Bartolomeo (1509) et Saint Thomas en prière devant le Crucifix, signé par Santi di Tito et daté de 1593. Dans la sacristie se trouve le tombeau original de saint Antonin, archevêque de Florence de 1446, avec la figure du saint en bronze. Ses os sont restés ici pendant plus d'un siècle, avant d'être transférés dans l'église et placés sous l'autel de la chapelle Salviati qui lui est dédiée, commandée à Giambologna et décorée de fresques de Passignano représentant la Translation et la reconnaissance des restes du saint (après 1589). La chapelle est décorée de marbre et de bronze et comporte des peintures d'Alessandro Allori, Giovanni Battista Naldini et Poppi. Les fresques de la coupole sont de Bernardino Poccetti. Il a également peint la chapelle du Saint-Sacrement, où se trouvent des toiles de Santi di Tito, Passignano, Jacopo da Empoli et Francesco Curradi. Sur le maître-autel se trouve un Crucifix peint par Fra Angelico entre 1425 et 1428. À San Marco se trouvent les tombeaux de Pico della Mirandola (1494) et du poète Agnolo Poliziano (1494).
De nombreuses grandes figures de la culture et de la spiritualité du XVe siècle ont vécu et travaillé dans le couvent : Cosme l’Ancien de Medici, qui avait sa propre cellule, où il aimait prier et méditer, l'archevêque Saint Antonin, le bienheureux Fra Angelico, qui a peint les fresques, et, à partir de 1489, Fra Girolamo Savonarola, qui dans ses sermons fulminait contre l’immoralité de l’époque, et qui fut pendu et brûlé sur la Piazza della Signoria (1498). Fra Angelico décora les cellules du premier étage et d’autres espaces du couvent de fresques chargées d’une profonde signification spirituelle et ascétique; il commença par les lunettes au-dessus des portes du cloître de Saint-Antonin (B), que Michelozzo avait fait construire avant 1440. Les lunettes de la voûte du cloître furent peintes à fresque à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle par Bernardino Poccetti et d’autres artistes avec des scènes de la vie et des miracles de Saint Antonin.

Fra angelico :
Le Christ pélerin reçu par deux dominicains
et
Saint Pierre martyr demandant le silence
De ce cloître, nous accédons aux salles qui forment le musée de San Marco. La Sala dell’Ospizio, où les pèlerins étaient reçus (C), est aujourd’hui une galerie où sont rassemblées de nombreuses peintures sur panneau parmi les plus importantes de Fra Angelico. Parmi ces œuvres, on trouve la Déposition peinte pour le Retable Strozzi, le Retable de San Marco, commandée par les Médicis, et le Tabernacle des Linaioli, réalisé en 1433-1434 avec l'aide de Lorenzo Ghiberti, qui en dessina le cadre. Dans la Salle Capitulaire (G), il peignit une Crucifixion complexe et allégorique, achevée en 1442. Dans les autres salles du Musée au rez-de-chaussée, comme le Lavabo (E) et les deux Réfectoires (F), sont exposées des œuvres des principaux peintres florentins des XVe et XVIe siècles : Domenico Ghirlandaio, Alesso Baldovinetti, Giovanni Antonio Sogliani et Fra Bartolomeo.

Fra Angelico : Crucifixion et Saints, salle capitulaire (1441-1442)
à gauche, le groupe des protecteurs de Florence et en particulier de la maison des Médicis, régnant alors : Les saints Côme et Damien (protecteurs de Cosme de Médicis) ; Damien se cache le visage qu'il détourne de la scène. Saint Laurent (protecteur de Laurent de Médicis (l'Ancien)), Saint Marc titulaire de l'Église (il est placé un genou en terre), Saint Jean-Baptiste, saint-protecteur de la ville de Florence (il désigne la scène au spectateur, d'un doigt tendu vers la Croix)
Entre les deux croix de gauche, les quatre Marie en pleureuses : Marie de Nazareth, mère de Jésus (les bras tendus à l'horizontale soutenus par ses cousines) Marie de Magdala dite Marie-Madeleine Marie Salomé, mère de Jacques le majeur, Marie Jacobé, mère de Jacques le mineur.
Vers la croix du bon larron jusqu'à l'extrême droite, les pères fondateurs de l'ordre dominicain :
à genoux : Saint Dominique de Guzman, fondateur des dominicains, Saint Jérôme de Stridon, fondateur des jéronimites, Saint François d'Assise, fondateur des franciscains, Saint Bernard de Clairvaux, fondateur des cisterciens, Saint Jean Gualbert, fondateur des vallombrosains, Saint Pierre de Vérone, dit saint Pierre martyr, dominicain;
debout : Saint Zénobie de Florence, saint-évêque de Florence, Saint Augustin d'Hippone, fondateur des augustiniens (portant le regard vers Jérôme agenouillé) Saint Benoît de Nursie, fondateur des bénédictins, Saint Romuald de Ravenne, fondateur des camaldules, Saint Thomas d'Aquin, théologie dominicain à l'origine du thomisme.
Le Grand Réfectoire abrite une collection d'œuvres de l'École de San Marco, c'est-à-dire des élèves de Fra Bartolomeo. Dans la Maison des Hôtes, on trouve de nombreux fragments de sculptures en pierre, sauvées des ruines lors de la démolition du quartier juif et du vieux marché de Florence au milieu du XIXe siècle.

La Cène de San Marco est une fresque (400 × 810 cm) de Domenico Ghirlandaio, datant d'environ 1486
La Cène de San Marco est la dernière fresque d'une série de trois cénacles peints par Ghirlandaio, les autres étant le Cénacle de la Badia di Passignano de 1476 et le Cénacle d'Ognissanti de 1480. Elle a été commandée au peintre, alors à l'apogée de sa carrière chez les frères dominicains de San Marco, pour décorer le Petit Réfectoire, où mangeaient habituellement les personnes hébergées dans le couvent, et non les moines.
Le petit réfectoire est aujourd'hui la boutique touristique du Musée de San Marco
Le musée comprend également l'ancienne bibliothèque (K) du premier étage, construite par Michelozzo pour Cosme de Médicis, où sont exposés un nombre considérable de livres de chœur enluminés. L'actuelle bibliothèque du couvent est spécialisée en théologie et en philosophie.
Mais le véritable chef d’œuvre à San Marco, c’est l’Annonciation de Fra Angelico présente au premier étage, illustrant le début de ce chapitre. Élevée au rang de symbole de l’art de Fra Angelico et plus largement, de l’art de la Renaissance florentine, cette fresque est intéressante à bien des égards. Elle respecte la théorie de la peinture comme « une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire » développée par Léon Battista Alberti dans son traité De Pictura en 1435. En effet, Fra Angelico place son Annonciation dans un cadre architectural qui définit le champ de l’image, comme une fenêtre. La pensée albertienne met l’accent sur l’historia : la peinture n’est pas une simple représentation de la nature, mais bien une représentation narrative à l’intérieur d’un cadre précis et déterminé par le peintre. L’historien de l’art Daniel Arasse s’est exprimé sur la perspective mise en place dans cette fresque, en opposition à celle d’une autre Annonciation de Fra Angelico située à Cortone. Pour rappel, l’Annonciation est une scène typique de l’iconographie chrétienne qui représente la venue de l’Archange Gabriel à la Vierge Marie et l’annonce de sa maternité divine à venir. Jacques de Voragine en fait une description détaillée dans La Légende dorée, ouvrage de référence des peintres de la Renaissance. La perspective est mise au service du message religieux, c’est un instrument avec lequel les peintres jouent. Ainsi, la scène se passe sous une loggia dont les colonnes participent à la composition. À gauche se trouve l’hortus conclusus, c’est-à-dire le jardin clos qui symbolise la virginité de Marie. Ce simple jardin où les fleurs sont peintes à la manière d’une tapisserie en mille fleurs s’oppose à la végétation luxuriante qui se déploie derrière la palissade en bois, qui évoque quant à elle le jardin d’Eden, et donc le péché originel auquel la Vierge échappe. Avec ce jardin, le peintre suggère que le corps de Marie est à la fois pur et fertile. La virginité de Marie est aussi suggérée par l’espace où elle est enfermée : les colonnes de la loggia créent deux espaces distincts, où se tiennent respectivement l’Archange Gabriel à gauche et la Vierge Marie à droite. Une colonne les sépare, et cette colonne centrale est selon Daniel Arasse le symbole christique de l’Incarnation, « Columna est Christus ». Le véritable enjeu de l’Annonciation pour les peintres, c’est de représenter le mystère de l’Incarnation à venir (dogme chrétien selon lequel « le Verbe s’est fait chair »), qui est par définition invisible, et c’est en jouant avec les effets de la perspective qu’ils peuvent y parvenir.
La fresque de l’Annonciation accueille le visiteur au premier étage, où se trouvent les quarante-quatre cellules des moines. Chaque cellule accueille une fresque représentant un épisode de l’histoire du Christ. Dans ces lieux destinés au sommeil, à la méditation et à la prière, les fresques se voulaient être un support spirituel au dialogue intérieur.
Voici un site présentant 479 oeuvres de Fra Angelico : https://www.meisterdrucke.lu/artiste/Fra-Angelico.html