Il Duomo : la Cattedrale di Santa Maria Assunta
- Il Pavimento in Marmo del Duomo
- La Libreria Piccolomini
- Il Battistero di San Giovanni
- Il Museo dell'Opera dell Duomo
« Sienne ne pèse pas sur les sommets, elle les couronne. Légère, elle repose sur sa triple colline, comme un fronton sur trois colonnes ; c’est ainsi que la représente un de ses plus ingénieux artistes, telle qu’une belle offrande aux mains de la Vierge à genoux. Rarement la terre a-t-elle fait au ciel un plus noble présent, que celui de cette ville aérienne »
Louis GILLET, « L’art siennois », dans Revue des Deux Mondes, 5e période, tome 23, 1904 (p. 367-398)
Neroccio di Bartolomeo di Benedetto de’ Landi, « La Vergine raccomanda la città di Siena a Gesù » (1480)
Sienne la médiévale
Sienne est une ville médiévale splendide. Sans doute la plus splendide d'Italie. Son architecture médiévale est pratiquement restée inchangée, et la ville s'est très peu étendue depuis le Moyen Âge. D'ailleurs Sienne comptait environ 80000 habitants à son âge d'or et n'en compte que 53000 aujourd'hui, alors que sa grande rivale, Florence, en comptait alors environ 120000 et en compte 361000 aujourd'hui. Florence a continué à évoluer vers l'architecture renaissance alors que Sienne restait figée sur l'aspect qu'elle avait déjà au XIVe siècle. Florence s'est étendue bien au-delà de sa ville historique qui se limite approximativement au triangle formé par la piazza della Libertà, Santa Maria Novella et Santa Croce en plus du petit quartier de l'Oltrarno comprenant le Palais Pitti, Santo Spirito et Santa Maria del Carmine.
Je m'étais souvent demandé pourquoi une ville restait ainsi figée sur une certaine époque. J'en ai reçu la réponse du guide qui me faisait visiter les monuments et riches demeures renaissance de Périgueux. Dans le cas de Périgueux, c'était le déclin économique et l'essor de Bordeaux, attirant commerces et fortunes aux dépends de la capitale périgourdine.
Sienne a connu son âge d'or aux XIIe et XIIIe siècle. Lorsque les conflits commencèrent entre cités toscanes et lombardes, entre les factions des Guelfes, soutenant le pape, et des Gibelins, soutenant l'Empereur du Saint Empire Romain Germanique, Sienne était toute puissante, et s'imposait très souvent contre les autres cités-états, comme Orvieto, Lucca ou Florence. Sienne était une cité à prédominance gibeline. Florence était à prédominance guelfe.
Au milieu du XIIIe siècle, Sienne s'allie aux grandes villes toscane d'Arezzo, de Pise et de Pistoia, et cela conduit, en 1260, à une victoire écrasante de Sienne sur Florence à Montaperti, avec l'appui des chevaliers allemands de Manfred de Hohenstaufen, roi de Sicile et fils de l'Empereur des Romains, Frédéric II. Sienne pénètre en territoire florentin. Les Gibelins florentins, bien que minoritaires, détruisent les maisons et les tours des Guelfes (bien qu'aujourd'hui, on n'en trouve plus que quelques-unes à San Gemignano, les maisons-tours étaient nombreuses, au XIIIe siècle, dans toutes les villes toscanes). Les Guelfes fuient Florence et se réfugient dans les autres cités guelfes, principalement Lucca et Bologne. On croit la domination de Sienne acquise sur la Toscane. Mais les Guelfes se réorganisent vite, avec l'appui du pape. Le pape Urbain IV veut se débarasser des Hohenstaufen de Sicile. Il convainc Louis IX de prendre possession de l'île au prétexte que ce serait un bon point d'appui pour la croisade. Charles d'Anjou, frère de Louis IX, devient roi de Sicile. Son armée monte sur Rome et aide le nouveau pape Clément IV à tenir tête aux Gibelins de Rome. Il poursuit son avancée sur la Toscane, et allié aux Guelfes florentins, en juin 1269, il attaque les Gibelins siennois et des chevaliers allemands à Colle di Val d'Elsa, près de San Gemignano et de Volterra. Par ruse plutôt que par force, ils mettent les Gibelins en déroute alors qu'ils n'étaient environ qu'à 1000 contre 9000. Il s'en suit une domination de Charles d'Anjou et de Florence sur Sienne, où ils placent des Guelfes à la tête de la ville. En 1287, un « Gouvernement des Neuf » est mis en place, dans lequel, de façon similaire aux Prieurs de Florence, un gouvernement de neuf citoyens, tirés au sort pour deux mois, régissent la ville. Ils sont choisis parmi les Guelfes, en privilégiant les corporations de marchands, et les nobles en sont exclus. C'est donc la fin définitive de la part gibeline de Sienne, mais pas la fin de la prospérité de la ville, car ce mode de gouvernance de la République de Sienne dura pendant 70 ans. Toutefois, à partir de ce moment, Sienne était déjà sous le contrôle de Florence et de la papauté.
En 1348, la pandémie de peste noire, ramenée selon les hypothèses actuelles, de Crimée par l'armée génoise, s'abat sur toutes les villes de Toscane. Sienne comme Florence sont durement frappés. La population de Florence tombe de 120000 habitants à 42000, tandis que celle de Sienne, tombe de 80000 à 20000. Les répercutions durent ensuite pendant des décennies : manque de main d'oeuvre, mendicité, famines dans les campagnes ... Sienne ne s'en remet pas. Sa prospérité est arrêtée net. La situation est tout aussi dramatique à Florence. Mais Florence réussit à rester active commercialement. La ville adopte une politique protectionniste en augmentant drastiquement les taxes sur les draps étrangers. Le commerce local de la laine devient de plus en plus prospère. Les riches propriétaires terriens survivants profitent de la mort de leurs concurrents et s'enrichissent davantages. Ils prêtent. Le change et la banque prend son essor. C'est ainsi qu'ils sauvent les corporations de marchands, et qu'au début du siècle suivant, ces riches familles dominent Florence et deviennent les mécènes des artistes de ce qui devient très vite la Renaissance. Une famille finira par dominer les autres, ce sont les Médicis. Au XVIe siècle, après une courte période de disgrâce, les Médici deviendront les Grands Ducs de Toscane, et Sienne, que Florence controllait déjà, deviendra partie intégrante du Grand Duché de Toscane.
Voilà donc comment deux villes prospères au XIIIe siècle subiront des destins totalement différents, et comment aujourd'hui Sienne est devenu un petit bijou de l'architecture médiévale.
Les collines de Sienne
Tous ceux qui se rendent pour la première fois à Sienne ne peuvent que se rendre compte pour arriver au centre de la ville, la montée est raide et continue. Même si on l'ignorait, on se rend compte immédiatement que Sienne est bâtie au sommet d'une colline. Cette colline est divisée en trois crêtes, séparées par de profonds vallons d'érosion, et disposées en Y, avec la célèbre Piazza del Campo située entre les trois. Les crêtes séparent la ville en trois Terzi, ceux de Camollia, de San Martino et de la Città, eux-mêmes divisés en ces fameuses Contrades, quartiers culturels, dix-sept au total, qui se distinguent par leur drapeau, leur symbole et leur Saint patron et dont les cavaliers s'affrontent sur le Campo lors des deux Palii annuels du 2 juillet et du 16 août.
Sur sa colline, Sienne occupait une position stratégique, militaire mais surtout commerciale, car elle était située sur la via Francigena qui reliait Rome aux pays du nord de l'Europe et était un des axes d'échanges commerciaux les plus importants du continent. La route la traversait de part en part, et tout le long, s'alignaient boutiques et agents de change, échangeant avec les étrangers en transit. On retrouve encore aujourd'hui dans la ville, le tracé de la via Francigena, qui va, au nord de la ville, de la Porta Camollia jusqu'à la Porta Romana, à l'extrémité du Terzo San Marino, en passant le long des palais des cinq grandes familles siennoises de l'époque, dont les Piccolomini, parmi lesquels Enea Silvio et son neveu deviendront les papes Pie II et Pie III. Le tracé actuel de la via Francigena passe par les vie Camollia, Montanini, Banchi di Sopra (qui descend vers le Campo), puis Banchi di Sotto (qui contourne le Campo) - les deux étant des réminiscences des agents de change installés le long de la voie - Pantaneto, et via di Roma.
Elle fut du XIe au XIVe siècle, la grande rivale de Florence, qui elle, se trouvait au contraire dans une vallée, mais jouissait de la présence du fleuve Arno comme voie de communication.
La fondation de Sienne et de sa cathédrale
La fondation légendaire de Sienne remonterait au 8e siècle avant notre ère, soit au moment où la Grèce sort à peine de ses siècles obscurs et quand Homère aurait écrit l'Iliade et l'Odyssée. Siècle pendant lequel la légende situe aussi la fondation de Rome par Romulus après avoir tué son frère Rémus. On sait que Virgile, dans son Énéide, écrite au temps d'Auguste, fait de Romulus et Rémus des descendants d'Énée, prince troyen, afin, selon la volonté d'Auguste de faire remonter Rome aux Troyens, les ennemis mythiques des Grecs. Rémus, avant de mourir, aurait eu deux fils, les jumeaux Senius et Aschius fuient Rome à la suite de l’assassinat de leur père Remus par Romulus, son propre frère jumeau.
Senius et Aschius emportent avec eux la louve qui a nourri les deux frères fondateurs de Rome. Elle deviendra la « Lupa senese ». Ils s’enfuient l’un sur un cheval blanc et l’autre sur un cheval noir qui donneront ses couleurs à l’emblème de Sienne, la Balzana. Ils fondent Sienne, puis Aschius se sépare de son frère et fonde Asciano, à 30 km au Sud-Est.
Tout ceci est évidemment mythique, mais explique pourquoi la louve est devenue l'emblême de Sienne, et pourquoi la ville se serait opposé à Rome et à la papauté, en se mettant au service de l'Empereur du Saint-Empire au temps des guerres entre Guelfes et Gibelins.
Ce qui est sûr c'est que Sienne fut, comme toute la Toscane et une partie de l'Ombrie, une terre étrusque, avant de devenir romaine, puis lombarde, puis franque et devint une république en 1125, et ce jusqu'en 1559, et qu'en 1158, l’empereur Frédéric Barberousse confirme les droits de Sienne sur les territoires conquis.
Quant à l'origine de la cathédrale, elle est des plus incertaines. Elle fut construite au point le plus élevé du premier des trois terzi habités, ainsi nommé Terzo della Città, mais, ainsi que l'écrivait en 1976 Enzo Carli, un des plus respectables historiens de l'art siennois du XXe siècle :
« L’origine et les premières phases de construction de la cathédrale de Sienne sont enveloppées d’une obscurité que même la lumière incertaine d’une légende n’a pas pu éclairer. De celle-ci, qui est sans aucun doute l’une des cathédrales les plus prestigieuses, les plus distinguées et les plus riches d’Europe, on ne connaît même pas avec une certaine approximation l’époque et les circonstances de la fondation, et on ne sait pas davantage quelle était son apparence primitive.»
Le premier bâtiment public dont il est fait mention dans un document officiel vers la fin du XIe siècle, est l'Ospedale di Santa Maria della Scala (l'Hôpital Santa Maria della Scala) qui sera très longtemps un hôpital et un orphelinat, situé juste en face de la façade principale (ouest) de la cathédrale, et qui restera en fonction jusqu'en 1995. Aujourd'hui, il est devenu un musée. Il y est déjà fait référence à une structure religieuse située juste en face. La dénomination « della Scala » (des escaliers) est incertaine. Il peut s'agir du fait qu'il se trouvait en face des marches permettant d'accéder à l'édifice religieux, ou, ce que je pense plus volontiers, qu'il fallait grimper des escaliers raides pour y parvenir, tout en haut de la colline (comme c'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui quand on vient de la piazza San Giovanni.
La cathédrale, telle qu'on la connaît aujourd'hui, a pour l'essentiel été construite au XIIIe siècle et au courss des deux premières décénnies du XIVe siècle. Dans les toutes dernières années du XIIe siècle (sans doute en 1196) est constitué l'Opera di Santa Maria, une députation de citoyens, chargée de la maîtrise d’œuvre des travaux, en grande partie financés par la Municipalité. En 1226, le bureau des sorties de la Biccherna enregistre à partir de cette époque des contrats relatifs à la construction et la décoration de la cathédrale, et l'année suivante, une série de paiements pour des marbres blancs et noirs. La Biccherna était un bureau en charge de la gestion de toutes les rentrées d’argent et de toutes les dépenses effectuées au nom de la Commune, selon un modèle repris à l'Empire romain d'Orient avec lequel Sienne commerçait. Il était installé dans le Palazzo Pubblico et a perduré jusqu'en 1786.
L'essentiel du gros oeuvre de la cathédrale a été effectué avant 1260, puisque sa coupole est construite entre 1259 et 1264. Dans les années qui suivent immédiatement, l'abside est construite et Nicola Pisano en sculpte la tribune, ainsi que la chaire, à la croisée du transept. Durant les 20 dernières années du siècle, Giovanni Pisano, le fils de Nicola, est chargé de construire la nouvelle façade de la cathédrale, car entretemps, la nef a été prolongée vers l'Ospedale et l'ancienne façade a du être détruite. Les travaux de la façade seront repris de 1299 à 1333 par l’architecte Camaino di Crescentino.
La construction du campanile est terminée en 1313, et dès 1317, les deux branches du transept ayant été allongées, il est décidé, pour des raisons d'harmonie d'agrandir l'édifice de deux travées du côté de l'abside. Les travaux sont aussi confiés à Camaino di Crescentino. L'entreprise est périlleuse car cet agrandissement doit se faire au-dessus de la partie escarpée entre le sommet de la colline et ce qu'on appelait alors la Vallepiatta, où se trouve aujourd'hui la piazza San Giovanni. Pour soutenir donc cette abside prologée, on construit un nouveau baptistère somptueux, dédié tout naturellement à Jean le Baptiste, et où oeuvreront certains des plus grand artistes siennois et florentins du début de la Renaissance.
Le projet avorté du Duomo Nuovo
En 1339, alors que la cathédrale est pratiquement terminée (il manque encore, par exemple, la partie haute de la façade), Sienne est au sommet de sa prospérité, et semble considérer que la Cathédrale ne reflétait ni l’ampleur prise par la ville, ni l’augmentation de sa population et de sa richesse. Survient le désir d’imiter Florence et la construction de sa nouvelle et gigantesque cathédrale. On envisage de développer le bâtiment existant de telle sorte que le corps longitudinal devienne le transept d’une nouvelle construction. Le dôme occupe alors une position presque centrale, puisque l'édifice comporte alors 5 travées côté nef et 4 travées côté abside. Le projet impliquait la construction de trois nouvelles nefs perpendicullaires à la nef existante, côté sud, dont la principale viendrait s’insérer dans l’église existante à la hauteur du dôme ; en outre, une grande abside semi-circulaire avec chapelles rayonnantes devait être construite au nord. Le travail est effectué sous la supervision de l'architecte Giovanni di Agostino.
Mais la peste noire de 1348 a ravagé Sienne. On estime qu'elle a tué 75% de sa population en quelques mois. Et dans les années qui ont suivi, le manque de main d'oeuvre dans les villes a bloqué les chantiers, et dans les campagnes ont créé des disettes, augmentant encore le nombre de morts des conséquences indirectes de la pandémie. La plupart des grands maîtres sont morts ou ont quitté la ville, à l'image de Giovanni d'Agostino, mort en 1348 et de son fils Domenico, contremaître, qui quittera temporairement la ville.
En 1355, on décide l'arrêt définitif de la construction du Duomo Nuovo, des suites de la peste bien sûr, mais aussi des déficiences des fondations et du gouffre financier que le chantier représentait. De ce travail gigantesque, il ne subsiste dans l’actuelle Piazza della Quercia que des vestiges plus ou moins visibles de cet échec : au sol, les piliers de la nef, encastrés dans la façade du bâtiment du Museo dell’Opera Metropolitana del Duomo, ouvert en 1869 dans ce qui aurait du être la nef droite de la nouvelle cathédrale, les ouvertures ogivales de la façade latérale de la nef gauche contre laquelle a été construit un bâtiment abritant aujourd'hui la préfecture de la province, et surtout, l’énorme façade de la cathédrale inachevée, appelée « Facciatone ». Piliers, ogives et intérieur du Faccianote sont tous déjà ornés de leurs marbres polychromes. Il Faccianote est devenu un symbole pour les Siennois. Symbole de son passé glorieux.
On peut accéder au sommet du Faccianote par une des salles du second étage du musée. Il offre un panorama splendide sur la ville, et la vue permet aussi de se faire une idée précise des proportions gigantesques qu'auraient eu la nouvelle Cathédrale.
On décida donc d'achever la cathédrale existante, en commençant par les fenêtres du choeur, de l'oculus, la construction de la partie haute de la façade vers 1370, la sacristie en 1409, la bibliothèque Piccolomini en 1492 et la lanterne de la coupole, conçue par le Bernin, en 1666.
Encore aujourd'hui on accède à l'entrée de la cathédrale en franchissant une porte de ce qui devait être le Duomo Nuovo. Elle était entièrement terminée et décorée. C'est la Porta di Vallepiatta qui relie la Piazza Jacopo della Quercia, du nom du célèbre sculpteur siennois du début du Quattrocento, aujourd'hui transformée en vilain parking, aux escaliers abruptes qui descendent vers le baptistère San Giovanni dans le quartier de Vallepiatta en contrebas de la cathédrale. Porte décorée d'une copie du « Rédempteur adoré par deux anges », dont l'original de Giovanni d'Agostino se trouve au Musée de l'Opéra.