Sorcières : chronique d'un massacre
Documentaire de Marie Thiry - 2025
Marie Thiry
Autrice et réalisatrice d’une dizaine de documentaires scientifiques pour ARTE, Marie Thiry est aussi passionnée par l’histoire des hommes et des sociétés que par les chercheurs et chercheuses qui la transmettent. Dans ses films, elle aime communiquer l’enthousiasme de la recherche mais aussi son lot d’aventure humaine et de découvertes.
De la préhistoire à nos jours, elle aborde souvent l’Histoire à travers l’exploration des monuments qui la racontent. Ainsi, en collaboration avec Marc Jampolsky, elle coécrit une série d’architecture sur les grands monuments de France et d’Europe, décryptés grâce aux nouvelles techniques d’investigation (Château de Chambord, Mont St Michel, Versailles, le Vatican) et un documentaire sur les civilisations disparues de l'Amazonie. Son documentaire sur la grotte Cosquer, remporte 12 prix et 6 mentions spéciales.
Le film
Quels mécanismes ont conduit à la plus meurtrière chasse aux sorcières en France au Pays basque en 1609 ? Cette enquête saisissante plonge au coeur de la pensée démonologique, une doctrine profondément misogyne, qui fit des milliers de victimes en Europe du XVe au XVIIIe siècle.
Convoquant les témoignages éclairés de spécialistes de la chasse aux sorcières (historiens, archivistes, anthropologues...) de Bayonne à Lausanne en passant par Strasbourg et Pampelune, et également l'essayiste Mona Chollet, autrice de l'essai best-seller Sorcières – La puissance invaincue des femmes (éd. La Découverte), cette enquête saisissante décrypte les mécanismes cruels, irrationnels et misogynes qui conduisirent quatre-vingts personnes à la mort. Grâce à un habile montage d'entretiens, de reconstitutions tirées du film Les sorcières d’Akelarre (2020) de Pablo Agüero, et de séquences animées, la réalisatrice Marie Thiry (Le chevalier au dragon – Le roman disparu de la Table ronde) souligne à quel point les autorités religieuses et politiques s'en prirent aux femmes, mais aussi aux traditions païennes et aux rites dévolus aux solstices d'été et d'hiver, dont serait issu le fameux balai de la sorcière. Nourrie d’extraits du film La sorcellerie à travers les âges de Benjamin Christensen (1922) et de gravures, animées à partir de celles ornant le livre publié par Pierre de Lancre en 1612, cette étude rigoureuse d'une des faces les plus sombres de la Renaissance rend aussi justice à toutes celles que la folie religieuse et misogyne de cette époque a voulu effacer.
En 1609, dans la province basque du Labourd, se déroule le dernier et le plus sanglant épisode de chasse aux sorcières en France. Quatre-vingts personnes, principalement des femmes, sont brûlées à l’issue d’un procès itinérant de quatre mois, mené par Jean d’Espagnet, président au parlement de Bordeaux, et le juge Pierre de Lancre. Mandatés par Henri IV, ils étaient initialement chargés d’apaiser un simple conflit local autour des revenus du nouveau port de Ciboure. Mais cette querelle dégénéra rapidement en une vague d’accusations de sorcellerie. De village en village, leur tribunal alimente et amplifie les dénonciations populaires, déformées par l’imaginaire démonologique. Pour faire avouer les prétendues sorcières, ils recourent à la délation et à la torture, en s’appuyant sur les grands traités de démonologie, comme le célèbre Malleus Maleficarum ("Marteau des sorcières"), publié en 1486 et largement diffusé grâce à l’imprimerie. Alors que dans la plupart des régions d’Europe ce sont surtout les femmes âgées qui sont victimes des chasses aux sorcières, au Labourd, des jeunes filles sont principalement visées. Pierre de Lancre, obsédé par l’idée de leur copulation avec le diable lors du "rituel du sabbat", laisse libre cours à ses fantasmes et transgresse toutes les limites du droit. Il instrumentalise des centaines d’enfants, contraints à témoigner contre leurs proches. Ce zèle fanatique finit par susciter des résistances. Le retour des marins pêcheurs partis à Terre-Neuve et l’intervention de l’évêque de Bayonne, soucieux de protéger les familles des notables, abrègent cette effroyable mécanique d’accusations.
